Le pouvoir doit contrôler le pouvoir

 

La démocratie en tant que principe semble un idéal pour l’émancipation et le bien-être des peuples. La démocratie actuelle telle que vantée et vendue par les Occidentaux peut avoir visé cette émancipation des peuples qui dirigent le jeu démocratique.

Elle a des principes mais aussi des contradictions issues du non réalisme des principes. L’un des principes qui en fait aussi la contradiction est le fait que le pouvoir doit contrôler le pouvoir.

Depuis la nuit des temps, il est connu que le pouvoir corrompt et plus le pouvoir est absolu (sans redevabilité aucune), plus il corrompt absolument. Une des preuves historiques est que même les monarchies occidentales qui avaient échappé au vent des révolutions ont eu tendance à aller vers les tendances modérées (parlementaires).

Le parlementarisme est justement cet effort à créer un autre centre de pouvoir pour contrôler le pouvoir du monarque. Ainsi plus les centres de pouvoir sont nombreux, plus cet équilibre entre pouvoirs créés cherche à converger vers cette émancipation des peuples.

Mais les tenanciers du pouvoir n’ont jamais été prédisposés ou même disposés à partager le pouvoir. Ils cherchent à le monopoliser. Même lorsque un monarque crée ce parlement comme en Angleterre, il cherche à contrôler le pouvoir. Jusqu’en en 2021 il existe des parlementaires anglais dont le mandat est héréditaire et généralement créé par le monarque.

La RD Congo n’est pas loin de la même observation. La RD Congo n’a plus de monarque, du moins dans la constitution, mais cette tendance à contrôler les autres centres du pouvoir comme le parlement demeure. L’existence des autorités morales, véritables génies des politiques mécaniques et non de celles de conviction continuent à épater les croyants du principe démocratique. L’échec de la cohabitation est une preuve qu’en RD Congo les tenanciers du pouvoir ne veulent pas que leur pouvoir soit contrôlé par d’autres pouvoirs.

Le préambule de la constitution, pourtant, évoque cette limitation de pouvoir d’un chef d’Etat aux allures d’un monarque absolu. Evidemment ceci par référence à notre histoire récente ou lointaine selon les âges. Le pouvoir économique devrait contrôler le pouvoir politique et vice versa? Je le crois bien. Le pouvoir législatif devrait contrôler le pouvoir exécutif? Evidemment que oui. D’ailleurs à ce point il faut rappeler que les différents contrôles parlementaires n’ont pas produit un effet de dissuasion auprès du pouvoir exécutif comme cela est envisagé dans le principe. Lors de différentes redditions de compte, il a été une légèreté parlementaire incroyable. De façon surprenante, les députés sont devenus nuitamment des défenseurs acharnés du contrôle parlementaire depuis que le premier ministre Ilunkamba est appelé à rendre le tablier. La cour de compte a été reléguée au statut d’institution secondaire pourtant son rôle est important dans les mécanismes de contrôle. Les détournements budgétaires, les dépassements budgétaires sont restées monnaie courante. Les institutions qui dépassent leurs dotations cherchent en général à s’accaparer d’autres pouvoirs.

Le pouvoir judiciaire devrait-il jouer son rôle? Evidemment oui. Seulement il se dit que l’un des centres de ce pouvoir, qu’est la cour constitutionnelle, demeure éminemment que politique. L’on se rappelle des différents arrêts en matière électorale, ses nominations, ses démissions, ses demi démissions, ses lettres des juges, la prestation de serments n’ont fait que confirmer que le pouvoir exécutif cherche à tout monopoliser.

Aux dernières élections, on a vu des parlementaires être déclarés élus, puis non élus, puis encore élus cette fois-ci sur base des "erreurs matérielles". Mais les juges de la haute cour sont-ils redevables? En principe oui juste devant leur propre conscience mais en réalité devant ceux qui nomment ou permutent selon leurs intérêts. Juste pour rappel, le renversement du pouvoir récent au Mali est parti de cet abus d’une cour constitutionnelle qui fait tout pour le monarque IBK.

Même au sein du pouvoir économique, les sous pouvoir doivent de contrôler entre eux. Les grands groupes, généralement étrangers, qui tiennent l’économie de la RD Congo devraient être contrôlés par le pouvoir économique des consommateurs. Sinon la RD Congo finira par devenir la propriété privés des quelques individus qui contrôlent les banques, les capitaux, les crédits, les patrimoines... bref tout. D’ailleurs cela devrait révolter par exemple qu’il n’y ait pas de banque à capitaux congolais. Mais lorsque le principe que le pouvoir doit contrôler le pouvoir fait défaut, l’on assiste à une normalisation et une banalisation de l’anormal. En somme l’idée de la compétition devient même le canal parfait pour aller vers le monopole, le duopole, etc. Le pouvoir politique cherche aussi à avoir sa part dans le pouvoir économique quand il ne peut pas le monopoliser.

L’homme politique congolais cherche les moyens et avantages pour toute sorte de gymnastique. Surtout que ces moyens deviennent important lors des échéances électorales. Julia Cagé n’aurait pas de la peine, s’il y avait des statistiques publiques congolaises, à établir le minimum financier pour faire basculer la voix d’un candidat sans moyens vers un candidat avec moyens à chaque niveau électoral.

Le même pouvoir politique cherche à monopoliser le pouvoir médiatique. Cela devrait surprendre qu’une tendance moderne veuille que les grands hommes politiques et économiques soient propriétaires des grandes chaines des médias. La chaine publique devient souvent d’ailleurs la propriété privée du Président de la République. Ses fanatiques diront qu’il a besoin de la visibilité mais c’est sans imaginer qu’en monopolisant une chaine publique, ainsi donc le pouvoir médiatique, le Président crée une entorse au principe démocratique.

Les autres politiciens ayant accumulé assez des moyens cherchent aussi à se créer des opinions pour un même but: renforcer leur pouvoir politique, économique, social etc. Dans toutes les villes de la RD Congo, les élites politiques possèdent des chaines de télévision et de radio. Et ce n’est pas surprenant que les contenus médiatiques tournent autour de certains thèmes fétiches pour la promotion des politiques et non pour le progrès de la société.

Même le pouvoir religieux n’est pas celui qui reste dans l’idée du principe démocratique. Sur le marché religieux en RD Congo, chaque église ou confession cherche à monopoliser son pouvoir, à aller acquérir d’autres pouvoirs. Et cela pas toujours pour le bien de leurs membres. Pourquoi une église X se battrait-elle pour le bien-être des membres d’une église Y? Ces églises restent rationnelles et cherchent donc à maximiser leurs avantages ou bien ceux de leurs dirigeants. Si ces églises travaillaient pour le bien être des congolais, le pouvoir économique des congolais allait s’améliorer.

Les différentes religions ne forment pas des gens pour les critiquer. Elles ne forment pas leurs opposants mais ceux qui travaillent d’abord pour leurs intérêts. Même quand elles ont des écoles, ce n’est pas pour le progrès de la société. C’est d’abord pour former les élites des églises. Ce sont des élites qui en cas de conflit entre églises et Etat, elles seront capables de détruire l’Etat parce que l’Eglise leur assure un bien être éternel, supposé ou réel.

D’ailleurs on sait bien que dans ces structures on pourrait difficilement produire ceux qui ont un raisonnement critique. Donc le pouvoir religieux cherche à contrôler le pouvoir intellectuel. L’implication et la gestion des écoles par les églises interviennent à ce niveau.

Le pouvoir économique et politique cherche à contrôler le pouvoir intellectuel. Mais le pouvoir intellectuel congolais doit s’émanciper. Il doit aussi chercher à limiter les ardeurs des autres pouvoirs. Sinon il sera phagocyté. Les libertés intellectuelles et académiques devraient s’exercer non pas pour la monopolisation des pouvoirs politiques et économiques. La responsabilité des élites intellectuelles intervient à ce niveau. Lorsque certains académiciens juristes hier critiques des pouvoirs deviennent des thuriféraires des pouvoirs actuels, cela devrait rappeler qu’il ne s’agit que de la politique du ventre (expression de Bayart) exprimée autrement. Comme nous rappelé parfois, les clercs (intellectuels) peuvent facilement trahir lorsqu’ils oublient de défendre les valeurs cléricales éternelles.

Ici les professeurs congolais doivent calmer leurs ardeurs. Le pouvoir des professeurs devrait être limité par celui des étudiants. Il n’y a pas que les profs qui devraient évaluer les étudiants mais les étudiants devraient aussi évaluer leurs professeurs. Cela se fait ailleurs. Mais au Congo on a voulu donner un pouvoir presqu’absolu aux professeurs, ou bien aux comités dirigeants des universités. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les politiques continuent à violer la loi-cadre de l’enseignement de 2014 en nommant les recteurs des universites publiques. Le pouvoir exécutif congolais a souvent peur du pouvoir académique indépendant.

Sans l’existence d’un pouvoir pour contrôler un autre pouvoir, le jeu démocratique congolais devient faussé, le progrès devient imaginaire et les nations dites non démocratiques deviennent même le modèle à suivre. Chaque abus, dysfonctionnement de la société congolaise provient du fait que le pouvoir contraignant a décidé de se taire.

D’ailleurs le pouvoir qui est privilège devient aussi plus intéressant quand il comporte la responsabilité sinon il reste abus excessif qui tend vers la ruine. L’histoire du parti-Etat ne nous a pas démontré une trajectoire différente. Et notre ruine actuelle a ses origines avec une telle perspective. La maturité de la nation congolaise sera atteinte lorsque tout pouvoir sera toujours contrôlé par un autre pouvoir. Cela ne sera évidemment possible que lorsque la grandeur nous exigée par le Congo (aux souhaits de Lumumba) pour et à cause de sa grandeur ne sera pas que slogan, mais principe de tous les jours.

 

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