Pourquoi les politiciens congolais volent-ils?
Il est de tradition
que les scandales politiques reviennent souvent dans les démocraties dites
électorales. Un des plus grands scandales concerne la megestion des deniers
publics qui souvent finissent par être détournés pour d’autres fins. Au lieu de
parler de détournements, maintenons le terme vol pour ne pas donner raison à
celui qui parlait d’un détournement d’intellectuel. D’emblée il doit être rappelé
que pour gagner les élections il faut les moyens. Le livre récent de l’économiste
Julia Cage donne une explication comment ceux qui gagnent les élections ne
gagnent que parce qu’ils ont plus de moyens financiers que tous leurs compétiteurs.
Et ces gagnants se fixent des règlementations fiscales pour maintenir cet
avantage financier afin de toujours gagner les élections. En RDC, il n’y a pas
assez d’études économiques sur le terrain politique. Combien des FC (francs congolais) faut-il
« investir » pour qu’une voix soit détournée en faveur du candidat fortuné lors
des élections présidentielles, parlementaires, sénatoriales ? Pour les élections
sénatoriales, les bruits de corruption allèrent dans tous les sens. Même le
procureur général près la cour de cassation de l’époque mentionna ce dossier
dans son mercuriale de 2019. Mais quelles sont les raisons pour lesquelles les
politiciens volent ? Cet article fut rédigé avant le procès de 100 jours
mais il faudrait dire que ce procès donna juste une lumière faible sur le
circuit financier obscur des politiciens congolais. Ce que qui est vrai le
programme de 100 jours devrait impliquer un grand nombre. Même le chef de
l’Etat devrait aller témoigner parce que son nom fut mentionné plus d’une
centaine dans l’instruction et les réquisitoires. Analysons alors les raisons
pour lesquelles nous pensons que les politiciens congolais volent ou encore
détournent les moyens publics. Nous essayerons d’avoir une approche
multidimensionnelle pour déceler toutes les raisons.
1. Panvitalisme bantu
D’abord en tant
que bantu le panvitalisme pousse les Africains à chercher la vie outre mesure.
En RDC les êtres rationnels savent que l’espérance de vie est toujours moyenne
parce que les structures de sante publique ne sont pas solides. Ainsi, pour
aller se faire soigner en cas de maladie, cela nécessite beaucoup des moyens.
Aussi, en cas de décès, le politicien fortuné laisse à ses enfants beaucoup des
moyens. Quand vous vous promenez dans les quartiers huppés de Kinshasa, les patrimoines immobiliers des politiciens
ne peuvent que surprendre. Mais curieusement plus d’une fois, la deuxième
génération ayant hérité ne fait pas preuve d’une gestion exemplaire. Elle finit
par vendre son patrimoine à moins que cette nouvelle génération entre en
politique, un autre fléau au Congo-Kinshasa. Les familles biologiquement
politiques existent et dans celles-ci les dauphins sont nécessairement
biologiques.
2. Créer un réseau
de paternalisme
En RDC, depuis l’avènement
des Belges l’on sait que les germes du paternalisme furent semés dans la société
congolaise. Les premiers congolais qui révèrent de prendre la place des belges
sont les politiciens. Ainsi ils héritèrent non seulement les postes des Belges
mais aussi leurs comportements. La mentalité de paternalisme est tellement encrée
dans la tête du congolais que quand un congolais est reçu par une autorité
politico-administrative il doit s’attendre à quelque chose de celle-ci. Quand
un député rentre en vacances parlementaire, il doit répondre aux doléances
basiques de leurs bases. Quand les politiciens volent ils le font aussi pour perpétuer
cette culture de paternalisme. Les
enfants de députés et ministres ne peuvent pas aller dans les mêmes écoles que
les enfants d’un domestique. La femme d’un enseignant ne peut jamais se faire
traiter dans le même hôpital public que la première dame. On voit même le chef
de l’Etat intervenir en terme de générosité personnelle en faveur de la femme
de l’enseignant pourtant enseignant et chef de l’Etat sont tous fonctionnaires
de l’Etat. Avec ces différences stratosphériques, l’enfant de l’enseignant ne
peut pas espérer par mobilité intergénérationnelle aspirer aux plus hautes
fonctions du pays.
2. Accéder au
pouvoir par la corruption ?
Justement les politiciens savent que pour accéder
au pouvoir il leur faut des moyens et non des idées. Nous sommes dans une société
ou les gens ont tellement été brimées que la corruption devient parfois la voie
obligée. S’il faut corrompre les agents électoraux ou les agents de la justice,
il faut avoir beaucoup des moyens. On a même
vu pour la première fois les gens élus être déclarés non élus et puis être déclares
élus après vérification d’erreur matérielle. Ceci reste plus patent pour les élections
indirectes.
Accéder au pouvoir ne suffit pas. Maintenir le pouvoir exige les
moyens. Etre élu et échouer d’être réélu par la suite démontre un échec a un
certain niveau. Chaque 5 an, il faut être musclé financièrement pour se
maintenir au pouvoir. Surtout pour ceux-là qui s’alignent pour différentes échéances
électorales doivent disponibiliser beaucoup des moyens. Et généralement leurs
salaires ne peuvent pas suffire. C’est à ce niveau qu’une étude congolaise à la
lumière de celle de Julia Cage est justifiée.
4. Partager les
miettes à leurs bases pendant les vacances et visite
Pour les députés
qui ont la décence de passer leurs vacances parlementaires, ils ne doivent pas
venir mains bredouilles. La base a plusieurs doléances parce que la situation
sociale est très précaire. Les ministres qui visitent leurs bases font la même
chose. Chaque déplacement du chef de l’Etat ne manque jamais des millions à dépenser.
5. Pour tromper les
peuples pendant la campagne électorale
Un des moments clé
ou les moyens sont requis c’est pendant la campagne électorale. Même en Europe
les campagnes électorales, les dons aux partis politiques explosent. En RDC les
dons aux partis politiques, aux politiciens ou par ceux-ci ne sont pas régulés,
ni taxés. Ainsi si ailleurs ceux qui ont les moyens ont une grande probabilité
de se faire élire, ici en RDC ceux qui sont fortunés ont la certitude d’être élus
parce qu’ils mettent leurs affiches partout, ont une surreprésentation médiatique
(d’ailleurs ils ont leurs medias propres), font des dons incroyables devant une
population clochardisée, sont chantés par les musiciens dans toutes les
chansons, etc.
6. Maintenir les
maitresses et familles connexes
Une des particularités
des milieux politiques congolais est une autre dimension du panvitalisme. Les
hommes politiques veulent exister a travers une descendance nombreuse. Ce n’est
pas qu’ils pensent léguer des ressources humaines capables de transformer le
pays mais se trouvent engagés dans plusieurs relations. Pour maintenir les épouses
supplémentaires, pour ne parler des maitresses, il faut des moyens colossaux.
7. Envoyer leurs
enfants sous d’autres cieux et maintenir leurs trains de vie
Evidemment les
politiciens congolais chantent tout le temps que le pays va bien pour justifier
leur bilan médiocre mais ils sont les premiers qui ne croient même pas que le
pays peu s’arranger. Pour preuve ils se rassurent même que leurs enfants n’étudient
pas dans le système éducatif congolais problématique. Ainsi ils les envoient
vivre et surtout étudier a l’étranger. Il faut des moyens colossaux pour cela.
Quand vous avez fréquenté à l’étranger, vous ne serez pas surpris de rencontrer
les enfants des « responsables ».
Voilà les différentes
raisons qui poussent les politiciens congolais à voler. Chaque scandale
politico-financier a pour soubassement l’une de ces raisons. Malheureusement le
système est fait tel que les détournements sont devenus la règle et la bonne
gouvernance l’exception. Dans la démocratie ou le peuple semble détenir le
pouvoir absolu, il devient le tremplin pour ne pas dire le torchon des
ambitions non démesurées des politiciens.
Très bon article. Je crois juste que vous réduisez systématiquement la portée de votre analyse pour justifier un gros problème avec des symptômes limités.
RépondreSupprimer1. Le point de départ est déjà discutable: "Il est de tradition que les scandales politiques reviennent souvent dans les démocraties dites électorales". Il n'y a pas de pays au monde sans scandales politiques. Et statistiquement, rien ne prouve moins de scandales dans les régimes dictatoriaux par rapport aux démocraties (au moins ici, vous avez le droit d'enquêter).
2. Le concept du vol pour avoir une vie meilleure, un meilleur accès aux soins médicaux; existe depuis l'antiquité et est toujours présente partout. Rien à voir avec le "Panvitalisme bantu". Lorsque Google a investi des millions de dollars à Calico dans le but de lutter contre le vieillissement et les maladies associées, ce n'était pas avec ou pour les Congolais.
3. Vous envisagez l'être humain comme l'a fait Jean-Jacques Rousseau.
Il a dit: "l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt". Vous négligez tous les deux que «nous ne sommes pas pécheurs parce que nous péchons, mais nous péchons parce que nous sommes pécheurs». La nature humaine n'est pas pure par défaut, et il faut des règles, de la dureté, de la discipline, de la transparence, des garde-fous pour contraindre les êtres humains à la vertu. Ces règles peuvent provenir de nos familles, de nos écoles, et surtout, du pays. Les pays où vous avez moins de corruption ou moins de scandales politiques sont ceux où le patrimoine, les revenus et les déclarations fiscales des politiciens sont disponibles par la loi. Les dépenses politiques et le coût de la vie sont réglementés par la loi. Il est donc très difficile de voler quand on le souhaite.
4. Avoir le point 3 en place ne signifie pas qu'il n'y a plus de vol. Les gens approfondiront encore leurs recherches pour trouver des moyens de voler. C'est ainsi que naît le détournement avec des méthodes sophistiquées et des circuits financiers très complexes. Mais au moins le point 3 peut éliminer les scandales évidents.
5. Retour en RDC. Combien de fois entendons-nous quelqu'un voler des millions et voyons-nous cette personne au tribunal? plus cela se produira, moins les gens voleront.