Quelle décennie 2020-2029 pour la RDC ?



Il est rare au Congo d’étudier le Congo sur les longues durées. Cette analyse essaie de parcourir les différentes décennies pour essayer de voir les possibles évènements de la décennie 2020-2029. Beaucoup des congolais préfèrent lire les analyses fabriquées en Occident mais ici il s’agit d’une réflexion des congolais sur le Congo.

La décennie 1950-1959 est la décennie de l’Apres guerre « mondiale ». La RD Congo connut une période de croissance dont la métropole tira largement profit.
Les débats de la décolonisation bâtirent son plein. D’abord dans les milieux intellectuels Belges. Il est connu que l’Eglise catholique suivait ces débats et cherchait à établir sa stratégie. C’est commencé ça que dans les milieux catholiques la réflexion des années 1956 le manifeste de la conscience autour de Malula fut lancée. Apres avoir soutenu la colonisation depuis le départ, l’Eglise catholique cherchait une décolonisation rapide pour qu’elle garde son influence surtout que l’avènement d’un gouvernement laïc en Belgique en 1954 ne faisait que diminuer son influence. D’ailleurs c’est à cette époque que les écoles laïques furent promues en RDC. L’établissement d’université catholique en 1954 et d’une université laïque deux ans après répond à cette recherche d’influence.
La RDC avait aussi son plan de développement de 10 ans. La guerre d’Algérie, la conférence de Bandung de 1955, la conférence panafricaniste d’Accra de 1958 sont des évènements qui influençaient fortement ce que la décennie suivante allait être en terme d’indépendance.
La décennie 1960-1969, la première de toute une ère, est celle de l’indépendance, des douleurs pré et surtout post indépendance. Au lendemain de la proclamation de l’indépendance, le monde en pleine guerre froide cherchait à polariser la RDC, un pays déjà divisé sur les lignes tribalistes.
L’invasion de la RDC par l’armée de la Belgique, les différentes sécessions orchestrées par la Belgique et les autres puissances pour affaiblir la RDC eurent comme points extrêmes  l’assassinat de Lumumba et la division du pays suite aux multiples rébellions. Entre temps, l’Occident se choisissait ses pions pour prendre la relève. Mobutu était déjà choisi. On voit ici un Mobutu qui trahit son ami pour plaire à ses amis Occidentaux, qui on le sait, finirent par le lâcher avec le soutien d’un autre compatriote, ancien jeune turc de Lumumba. Les élections ne servirent pas à beaucoup dans ce pays parce que par deux fois  les personnes élues furent forcées de ne pas gouverner (Lumumba, Tshombe). Par deux fois Mobutu fit un coup d’Etat. Celui de 1965 qui visait à rétablir l’ordre afin de remettre le pouvoir aux civils après 5 ans définit les prochaines 3 décennies (1970s, 1980s et 1990s).
Que retenir de 1970-1979 ? Les différentes reformes politico-économico-sociales n’offrirent aucun résultat durable. Le fondement du coup d’Etat était un prélude pour la suite des évènements. La Zaïrianisation, l’authenticité, les différents plans (dont le plan 80) et les différents projets dont la plupart des éléphants blancs ne purent même pas convaincre le chef de l’Etat à parler de « mal Zaïrois » en 1977.
Le pays vivait l’inertie de la croissance économique des années 1965-1973. Le choc pétrolier de 1973 et celui du cuivre de 1974 exposèrent la fragilité de l’économie congolaise. Cette fragilité d’ailleurs continua dans les prochaines décennies. Chaque fois que les prix des minerais baissent la RD Congo entre en crise. Cette dépendance minière avait vraiment commencé dans cette décennie.
Et parfois on recourrait aux institutions de Bretton Woods mais pour quelle finalité ? Notre banque centrale fut confiée aux « blancs dont Blumenthal » en 1977-78 mais le mal Zaïrois était plus profond. Les défenseurs du régime ne voyaient que monts et merveilles, paradis et Eldorado. Mais ce n’était que du vent. En 1977-1978 il y avait les deux guerres de Shaba. Le régime ne tenait qu’à cause du soutien de l’occident.
De 1980 à 1989, la fondation fragile se démontra de façon évidente.
Le régime du parti subit la création d’un parti dit d’opposition. Etrangement les membres de ce parti venaient du  système mais accusèrent le système. Pour eux, le mal Zaïrois était Mobutu. Le système économique continuait à se détériorer. Les bourses académiques n’étaient plus payées et entre temps la dette contractée à cause des éléphants blancs continuait à causer des ravages. L’austérité fut imposée au milieu des années 80. Spécifiquement, le programme d’ajustement à partir de 1983 fut à l’ordre du jour par la Banque Mondiale et le FMI. Loin de résoudre les problèmes, le PAS causa des dégâts incroyables. Cette ère rappelle que le peuple congolais doit être vigilent avec les endettements publics. Tôt ou tard le peuple finit par le payer. La chute de mur de Berlin a la fin de cette décennie allait influencer le cours des évènements en RD Congo dans les prochaines décennies.

La décennie 1990-1999 commence par l’effervescence de la démocratisation. Discours de la démocratisation du 24 Avril 1990, la conférence nationale , tout comme dans d’autres pays Africains, le blocage de la conférence, marche et massacre des chrétiens de 1992, la succession de plusieurs gouvernements, l’inflation galopante sur le plan économique, les pillages sont autant des évènements qui caractérisèrent cette période. La transition politique qui devrait aboutir aux élections commença mais n’aboutira que dans la prochaine décennie car stoppée par plusieurs guerres. D’abord la guerre de 1996 puis celle de 1998. Bref la décennie allait finir pendant que le pays est en guerre. Entretemps, Mobutu venait d’être déposée parce que ses amis Occidentaux comme il les appelait l’avait lâché. Dans cette décennie, il y eut aussi l’émergence de la société civile qui est une sorte de pépinière des politiciens. Tous les précurseurs influents de la société sont devenus des grands politiciens.
Les dangers de la Balkanisation revenaient de plus en plus dans les débats comme la RD Congo fut divisée en plusieurs zones. L’Occident venait de créer une situation anormale. Beaucoup des congolais furent massacres pendant cette période. Le pillage des ressources congolaises était souvent au rendez-vous. Et les mêmes pays revenaient à la charge : le binôme Rwanda et Ouganda causèrent beaucoup des troubles. Ils n’ont pas arrêtés.

La décennie 2000-2009 commença alors que le pays était divisé en différentes zones. La croissance économique était la plus basse dans l’histoire économique de la RD Congo. LD Kabila lâché par ses parrains Occidentaux depuis la fin de la décennie 1990 trouva la mort dans des conditions qui n’ont jamais été clarifiées. Curieusement les négociations commencèrent et le pays fut réunifié en 2003. La réunification ne résout pas tous les problèmes. Certains groupes armés affiliés au Rwanda, Ouganda, Burundi refusèrent l’intégration.
Ce sont ces groupes et les autres officiers problématiques intègres qui causèrent beaucoup des troubles dans cette décennie. Qu’il s’agisse du Sud-Kivu en 20042005, Ituri 2005-2006, Nord-Kivu avec le CNDP devenu M23, le constat est le même.
La croissance économique reprit malgré un code minier de 2002 imposé par les institutions de Bretton Wood. Aussi, la RD Congo devrait suivre les instructions des mêmes institutions pour devenir pays pauvre très endetté. Malgré les élections, les conflits militaires étaient présents dans la période 2006-2009. Il ne s’agit pas seulement de la confrontation militaire entre les deux candidats mais aussi la rébellion CNDP par les mêmes éléments issus du RCD en 2008.
La croissance économique avait repris mais pour quels bénéficiaires.


Celle qui va se terminer dans quelques (2010-2019) a consacré le cinquantenaire de l’independance et de la consolidation de la democratie electorale et ses aléas. Les élections de 2011 furent tant décriées sur le plan organisationnel mais aussi suite à la modification constitutionnelle de 2011.
Apres tout, c’était aussi la fin d’une période parce que la limitation des mandats allait être testée dans cette période. Les évènements sanglants de Janvier 2015, suite a une tentative de glissement n’étaient que le commencement de ce passage historique. Entre Janvier 2015 et Janvier 2018 il y eut plusieurs marches de protestations.
La période 2010-2019 est aussi la période des mouvements dits citoyens. Les jeunes frustres par le système ont trouvé un moyen d’expression. La Lucha a été précurseur de plusieurs mouvements qui sont devenus depuis actifs sur le terrain. A cet effet, les mouvements citoyens trouvent un terrain fertile dans les réseaux sociaux. La censure de l’internet, sms et les réseaux sociaux pendant cette décennie est revenue plusieurs fois. La censure était présente depuis les élections de 2011 et a été appliquée aux dernières élections de 2018. A part la peur dans le chef des dirigeants rien ne pouvait justifier cette posture répétée.
Il y a eu aussi plusieurs dialogues inter politiciens : les concertations en 2013, le dialogue de Camps Tshatshi, les accords de la Saint Sylvestre, Accords de Genève, Accords de Nairobi. A chaque moment il s’agit des mêmes manœuvres et des effets presque similaires. Il se dit aussi que l’alternance de 2019 est le fruit plus d’accords particuliers que des résultats électoraux. 
Dans cette phase, alors que le discours officiel présentait une économie résiliente avec un cadre macroéconomique stable, une crise similaire à celle de  1973-74 était venue exposer les fondements fragiles du système économique en 2015. Chaque fois que les prix des minerais baissent, l’économie de la RD Congo entre en récession. C’est presque la même chose en 2019 lorsque les prix du Cobalt avaient baissé. Dans ces conditions comment fallait-il appliquer la gratuite de l’enseignement que le nouveau régime a placée comme priorité des priorités dans sa politique ? Il semble que le nouveau régime, oubliant l’histoire, a préféré recourir aux institutions de Bretton Woods encore mais pour quelles conditions ?
La décennie 2010-2019 a aussi vu le retour de l’épidémie a virus Ebola. Apres l’Equateur, l’épidémie s’est cette fois-ci implantée à l’Est de la RD Congo, allant de l’Ituri jusqu’au Sud-Kivu. Mais l’épicentre se trouvait curieusement à Beni.
On parle de Beni parce que depuis 2014 les tueries anormales des populations locales ne font que défrayer la chronique. Il s’agit en fait de la suite des rebellions du CNDP devenue depuis M23 qui avait encore frappé Goma. Le soutien de cette rébellion par le Rwanda ne fait l’ombre d’aucun doute mais hélas tout s’est soldé par les négociations.
Dans cette décennie plusieurs banques et institutions financières congolaises sont tombées en faillite.
La tentative de doter la RDC d’un plan stratégique de développement doit être notée même si le plan fut très vite jeté aux oubliettes.
Pour la décennie qui va commencer,  les tendances se dessinent déjà. Deux élections en 2023 et 2028 vont marquer cette période.
Sachant que le plan de développement de 2016 a été abandonné il faut se poser des questions sur la cohérence de la trajectoire de développement. Etrangement le nouveau gouvernement vient d’adopter un nouveau plan de développement 2019-2023 a Zongo.
Les mouvements citoyens seront actifs plus que jamais puis que les jeunes seront encore plus que nombreux. La population pourra dépasser les 100 millions d’habitants dans cette période. Normalement il faudra recenser la population et la doter de carte d’identité.
La RDC va aussi célébrer les 60 ans d’indépendance.  Célébrer c’est trop dire vu les enjeux et les défis présents et futurs. La décolonisation doit continuer. La colonisation mentale est toujours présente dans la tête de beaucoup des congolais.
La RD Congo devrait normalement se battre pour récupérer son économie, trop extravertie et généralement dans les mains des « investisseurs étrangers ».
Si elle échoue de contrôler son secteur financier, surtout bancaire, comment réussira-t-elle à faire son plan de développement ? La RD Congo doit promouvoir l’intégration interne. Les provinces doivent être connectées les unes aux autres de façon multimodale : routes, rails, etc.
Le secteur énergétique doit être développé. La surmediatisation du projet de grand Inga est un danger. Ce débat prouve que la RD Congo n’est pas maitresse de son plan de développement. Le souvenir des éléphants blancs comme Inga doit revenir dans ce débat. Malgré le projet d’Inga la RD Congo a un taux d’électrification tres faible. Le problème serait donc ailleurs.
Le secteur des télécommunications qui a connu un boom depuis la privatisation de 2012 va s’étendre encore avec une population toujours croissante et jeune. Les technologies comme la 4G pourront enfin bien s’établir mais la 5G risque de ne pas se déployer. Les investissements dans les supports de transmissions tardent à suivre la tendance technologique. L’émergence des technologies comme l’intelligence artificielle et tout ce qui est 4eme révolution industrielle en RD Congo pourront aller très lentement non seulement parce que la formation universitaire est non adaptée mais surtout à cause du manque d’investissement dans les infrastructures. Les modèles économiques changeant avec ces technologies devront être pensés avec une contribution congolaise.
La presse par exemple subit une transformation depuis l’avènement de l’Internet. Les journaux en ligne sont devenus favoris alors que les éditions papiers ne sont plus aussi populaires. Et sans surprise ce sont des jeunes qui dirigent ces groupes nouveaux de presse. L’opinion devra donc se décider dans ces cercles. Les jeunes ont le pouvoir avec la technologie. Ils devront en être conscients. La RD Congo ne pourra pas devenir la puissance ni sous régionale ni régionale sur le plan géostratégique dans cette nouvelle décennie. C’est le prix à payer de l’échec de la décennie passée. Si les fondations de la nation sont retouchées, le pays peut enfin émerger.
Ça sera la première décennie ou les 26 provinces sont opérationnelles. La décentralisation constitutionnelle qui n’a pas été appliquée depuis 2006 pourra-t-elle enfin produire ses effets ? La répartition des différents budgets, leur élaboration et leur évaluation doivent être strictes. Mais il y a des doutes. Les dépenses extrabudgétaires et les détournements budgétaires sont monnaie courante en RD Congo. Il suffit de voir les dépenses des institutions politiques pour voir que la centralité politicienne est l’une des plus grandes faiblesses de la RD Congo. Les secteurs de l’avenir comme la recherche et le développement ne sont pas suffisamment soutenus. Par exemple pour le budget 2019-2020 le budget total prévu de la recherche équivaut à 35 millions de dollars. Cependant entre prévision et exécution, il y a des problèmes. Les secteurs négligés reçoivent moins que les prévisions et la recherche risque de tomber dans ce cadre. Et de façon globale, le secteur éducatif exige une reforme adaptée. Mais il y a des craintes puisque 5 ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi cadre de l’enseignement, l’Etat n’arrive pas à implémenter les exigences de cette loi. C’est par exemple l’adoption du LMD. Bref l’Etat et surtout les stratèges de l’éducation publique doivent se demander comment le capital humain congolais va contribuer à l’émergence collective de la RD Congo.
Sur le plan sécuritaire, l’émergence d’Africom risque de marquer cette période. On sait qu’Africom vient pour les intérêts des USA et non principalement pour la stabilisation de la RD Congo. Les armées Rwandaises et Ougandaises et leurs rebellions pourront-elles enfin quitter le territoire congolais ? A l’allure où vont les choses, rien ne semble le préparer. Il y aura un jour confrontation entre ces armées de la région comme ce fut le cas à Kisangani en 2002 ? Ou bien ce seront les armées de puissances mondiales qui pourront s’affronter en RD Congo ? Tous ces pays ont des bases militaires en Afrique et à la moindre confrontation la RD Congo peut devenir leur champ de bataille.
Et l’avenir de l’ONU en RD Congo ? Tout dépendra de l‘avenir de l’institution ONU elle-même.

La décennie 2020-2029 est-elle d’espoir ? Non. La RDC navigue sans plan à long terme. Et cela constitue le plus grand danger.



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