De la désignation de l'Entité chargée de la tenue du Registre des Sociétés Coopératives (RSE)


I. Contexte et justification


Le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé le 17 Octobre 1993 à Port-Louis en Ile Maurice, tel que révisé à Québec au Canada le 17 Octobre 2008, a pour objet, d’une part, l’élaboration et l’adoption des règles communes simples, modernes et adaptées à la situation des économies des Etats parties et, d’autre part, la mise en œuvre des mécanismes judiciaires adéquats en matière de règlement des litiges.

Il vise, par ailleurs, la promotion de l’intégration juridique, économique, régionale et à favoriser l’institution d’une communauté économique en vue d’accomplir de nouveaux progrès sur la voie de 
l’unité africaine et de l’émergence d’une classe moyenne à travers, notamment la constitution des sociétés coopératives à côté de celles commerciales.

L’uniformisation du droit des affaires aurait ainsi pour objectif de renforcer la sécurité juridique et 
judiciaire des activités et des opérateurs économiques, condition essentielle de l’amélioration du climat 
des affaires sur l’ensemble du territoire national en RDC de manière générale, et dans les provinces qui 
connaissent particulièrement un essor considérable de l’artisanat minier, lequel emploie plus de dix 
millions de personnes à titre d’exploitants miniers artisanaux, selon les estimations faites par la Banque mondiale, dans son Rapport de 2008.

Pour un bref aperçu historique, il sied de souligner que la RDC est membre adhérant de l’OHADA depuis l’entrée en vigueur de la Loi N° 10/002 du 11 Février 2010 autorisant son adhésion au Traité 
énoncé en liminaire.

Mais c’est seulement à partir du 13 Juillet 2012, date à laquelle le Ministre de la Justice de la RDC avait déposé les instruments de sa ratification auprès du Gouvernement sénégalais qui est le dépositaire du Traité conformément à son article 57, que son régime juridique de portée communautaire a désormais fait partie intégrante du droit positif congolais et que, de ce fait, il est devenu d’application immédiate et
obligatoire en RDC.

Ce processus d’adhésion, une fois effectif en RDC, confère au droit OHADA une valeur supérieure à 
celle des lois nationales. 

C’est tout le sens des dispositions pertinentes de l’article 215 de la 
Constitution du 18 Février 2006, telle que modifiée par la Loi du 20 Janvier 2011, actuellement en 
vigueur en RDC.

Cette supranationalité conférée au droit OHADA est également la conséquence de l’application de l’article 10 dudit Traité OHADA aux termes duquel, les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition interne, soit-elle prévue par une autre loi entrée antérieurement ou postérieurement en vigueur à eux.

II. Problématique

Les sociétés coopératives, puisque c’est d’elles qu’il s’agit, sont régies par l’Acte uniforme relatif au droit 
des sociétés coopératives (AUSCOOP) dont les articles 390 et 396 précisent que les sociétés 
coopératives, leurs unions, fédérations, confédérations et réseaux constitués antérieurement à son 
entrée en vigueur sont soumises à ses dispositions et tenus de mettre en harmonie leurs statuts 
conformément à l’OHADA dans un délai de deux ans, à compter de son entrée en vigueur.
L’AUSCOOP du 15 Décembre 2010 n’avait été publié au Journal officiel de l’OHADA qu’en date du 15 
Février 2011 pour entrer en vigueur le 16 Mai 2011, soit 90 jours après sa publication conformément à 
l’article 397.

Cependant, la RDC n’avait adhéré à l’OHADA qu’en date du 13 Juillet 2012, ce qui fait que les sociétés coopératives opérant en RDC, notamment les coopératives minières légalement obligées de se constituer en sociétés coopératives minières grâce la modification du Code minier le 09 Mars 2018, ne disposaient plus que de deux ans pour ne fut-ce qu’harmoniser leurs statuts à l’AUSCOOP au plus tard 
le 14 Juillet 2014.

Actuellement, près de cinq ans après, la plupart des coopératives minières initialement constituées à 
titre d’associations sans but lucratif (asbl) ne s’y sont pas encore conformées contre toute attente et malgré les nouvelles exigences formelles qu’imposent le Code et le Règlement miniers aux coopératives minières de se constituer en sociétés coopératives dans la perspective de passer de l’artisanat à l’exploitation minière à petite échelle.

Principalement consacrée dans le Code et le Règlement miniers, la législation minière congolaise pose 
des conditionnalités préalables aux exploitants miniers artisanaux, notamment celles de se doter de 
leurs cartes d’exploitants, de se regrouper en coopératives minières pour exercer librement leur travail et, pour les coopératives minières, de se constituer obligatoirement en sociétés coopératives 
conformément au droit OHADA et selon les principes coopératifs que sont l’adhésion volontaire-ouverte, 
le contrôle démocratique des membres, la participation économique des membres, l’autonomie-
indépendance, l’éducation-formation-information, la coopération avec les autres, et l’engagement 
envers les communautés.

Dans la pratique, il s’observe que les coopératives minières ne fonctionnent pas encore comme de véritables sociétés coopératives à proprement parler, ou qu’elles ne disposent pas encore d’une existence juridique, morale ou civile effective au regard des actes d’autorité que posent leurs dirigeants sur les membres 
supposés être théoriquement leurs associés coopérateurs avec lesquels ils sont plutôt sensés collaborer d’égal à égal.

La triste réalité est telle que les dirigeants des coopératives minières gèrent ces dernières de la manière que sont gérées les sociétés commerciales à part entière, en violation de la législation en vigueur et des principes coopératifs ci-haut évoqués.

Outre cette problématique ayant trait aux mauvaises pratiques des coopératives minières les éloignant 
catégoriquement de l’aubaine de devenir des sociétés coopératives, il y a lieu de souligner aussi celle relative à l’immatriculation par le fait de laquelle elles obtiennent la personnalité juridique qui leur
confère le droit d’exister moralement ou juridiquement.

En effet, l’AUSCOOP du 15 Décembre 2010 oblige expressément les sociétés coopératives à se faire immatriculer au Registre des sociétés coopératives institué dans chaque Etat partie et tenu au niveau 
local, selon l’article 70 alinéas 1er et 2, par l’autorité administrative qui en est chargée.

Cette disposition précise même que, dans chaque Etat partie, l’autorité administrative chargée de la tenue du Registre des sociétés coopératives est l’organe déconcentré ou décentralisé de l’autorité nationale chargée de l’administration territoriale ou l’autorité compétente, auquel est immédiatement
rattaché le siège de la société coopérative.

Faute de l’existence de l’autorité ou de l’entité administrative chargée de tenir le Registre des sociétés 
coopératives ou auprès de laquelle les coopératives minières devront se faire immatriculer en RDC pour 
devenir de véritables sociétés coopératives, le contexte les pousse soit à l’attentisme, soit à 
l’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) relevant du greffe du Tribunal 
de commerce ou, là où il n’est pas encore installé, de celui du Tribunal de grande instance de leur ressort. Une vraie dérive !

Dans un cas comme dans l’autre, la confusion s’installe s’agissant de l’effectivité de la personnalité morale ou de l’existence juridique des sociétés coopératives, sachant bien que c’est cette 
immatriculation qui la leur confère, d’une part et, surtout, d’autre part, de la nature exacte des 
coopératives minières qui, étant créées sur pied des bases et principes relatifs aux sociétés 
coopératives, obtiennent quand même une immatriculation au RCCM réservé au seules sociétés commerciales.

Il y a lieu de constater que ce défaut de désignation de l’autorité ou entité administrative officiellement chargée de la tenue dudit Registre contribue à la création des monstres juridiques que sont toutes ces 
sociétés coopératives minières immatriculées au RCCM, sachant très bien même qu’aucun régime hybride ou intermédiaire entre les deux sortes de registres ou de sociétés n’a été prévu.

Il en est de même en cas de survenance d’un litige que doit trancher la justice pour une pareille société coopérative minière dont l’irrecevabilité de l’action mise en mouvement peut être évoquée à tout 
moment en cours d’instance pour défaut ou inexistence de la qualité d’agir, tant en demandant qu'en défendant.

La pertinence de cette immatriculation des sociétés coopératives n’est donc plus à démontrer étant 
donné que c’est par elle, et avant toute autre chose, qu’elles doivent préalablement passer pour acquérir ou obtenir leur personnalité juridique, en application de l’article 78 de l’AUSCOOP.

III. Que faire ?

Diligenter un Plaidoyer pour arriver à la désignation, par voie d’une Loi, d’une 
Ordonnance, d’un Décret ou d’un Arrêté ministériel, selon le cas, de l’Autorité administrative ou de 
l’organe décentralisé ou déconcentré chargé de la tenue du Registre des sociétés coopératives, 
conformément à l’AUSCOOP et à la législation minière actuellement en vigueur en RDC.

IV. Stratégies d'actions à mener :

1. Mener des études sur terrain auprès des coopératives minières pour en identifier celles n’ayant pas encore harmonisé leurs statuts conformément à l’AUSCOOP-OHADA ;

2. Sélectionner les coopératives minières dont il sied de former les membres sur les nouvelles exigences du Code minier après sa modification et de l’AUSCOOP de l’OHADA ;

3. Organiser des sessions de formation en faveur des membres desdites coopératives minières sur les nouvelles exigences légales en vigueur et les principes coopératifs ;

4. Concevoir un modèle des statuts-types conformément à l’AUSCOOP et au Code minier, le proposer auxdites coopératives minières et l'adapter aux réalités spécifiques auxquelles elles 
sont confrontées ;

5. Accompagner les coopératives minières concernées dans le travail d’harmonisation de leurs statuts au droit OHADA et à la législation minière congolaise ;

6. Accompagner les coopératives minières dans l’organisation de leurs assemblées générales devant aboutir à l’examen et adoption de leurs statuts harmonisés en vue de leur permettre de devenir de véritables sociétés coopératives opérant dans le secteur minier ;

7. Former les responsables desdites sociétés coopératives minières, une fois constituées, en 
matière de méthodes et techniques de plaidoyer afin d’être capables de participer efficacement 
aux démarches devant aboutir à la constitution d’un Registre des sociétés coopératives et à la désignation d’une autorité administrative ou entité qui devra se charger de sa tenue par l'Autorité habilitée ;

8. Accompagner les responsables desdites coopératives minières dans toutes les démarches de 
plaidoyer auprès des autorités politiques auxquelles revient la décision de créer ledit Registre et de designer l’autorité ou l’entité chargée de sa tenue ;

9. Rendre les sociétés coopératives minières capables d’agir en justice, tant en demandant qu’en 
défendant, comme de véritables personnes morales dotées d’une personnalité juridique ;

10. Etc.

Telle est ma réflexion en réponse à cette problématique bien actuelle !!!

Me Benjamin BISIMWA Cibaye, _Directeur de Programmes du CRESA.

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