Les dauphins au Congo-Kinshasa
Les dauphins au Congo Kinshasa
L’affaire de dauphin au Congo Kinshasa est interessante et mérite une analyse plus large et plus profonde. Le mot dauphin est pris au sens d’heritier présomptif ou de celui qui prendra la suite dans la succession directe ou indirect.
Au Congo Kinshasa Joseph Kabila a échoué de préparer un dauphin jusqu’à la 11e heure. C’est comme s’il fallait que ses vrais maîtres lui intiment l’ordre de ne pas se presenter pour qu’il commence à « chercher » son dauphin.
D’ailleurs l’on se rappelle qu’il avait lui -même dit au New York Times en Avril 2009 qu’il n’avait pas encore 15 personnes pour transformer le pays mais qu’il avait peut être 5, 6 ou 7. Meme de ce nombre, il n’a pas encore trouvé un dauphin, du moins publiquement.
Mais il n’est pas seul.
Dr Etienne Tshisekedi est mort sans annoncer son dauphin et les gens proches de l’opposition ont trouvé cela normal. Pourtant après les elections de 2011, certaines voix de la diaspora de l’UDPS en Afrique du Sud avaient demandé au vieux de preparer la succession. D’autres diront que son fils biologique était le dauphin naturel alors que tout le monde a vu comment l’ascension fulgurante de Fatshi fut organisée. En Octobre 2016 Fatshi est nommé Secrétaire General Adjoint de l’Udps. En 2017, il y a eu une fraction des gens qui avaient quitté l’Udps parce que ne voulant pas le dictat de l’imposition du « dauphin biologique ». Les troubles au sein de l’UDPS étaient causés par cette lutte de pouvoir pour la succession. Tout le monde se rappèlera comment la lettre de Tshisekedi avait disparu et jusqu’aujourd’hui le contenu n’a jamais été révélé. La lettre contenait le nom du probable dauphin.
Mais l’UDPS n’est pas le seul parti politique qui échoue de donner un vrai dauphin au temps marqué.
La RDC regorge toute une série des partis où les dauphins biologiques se sont transformés en dauphins politiques.
Mwando Simba illustre aussi ce phénomène social congolais. Nzanga Mobutu s’était révélé un probable dauphin de Mobutu il y a plus de 10 ans. Le patriarche Gizenga ne deroge pas à la regle en choisissant son dauphin dans l’environnement biologique.
En 2001, par manque de dauphin, JK devient president. Un dauphin biologique devenait un dauphin politique à la fin du temps réglementaire. Il faut blâmer Mzee s’il préparait son dauphin « biologique ».
Ceci fait qu’une liste des congolais sont devenus l’establishment politique de la RD Congo. Ces noms reviennent toujours depuis plus de 50 ans.
Mais si l’on doit parler de dauphin au plan idéologique ou intellectuel, cela vient confirmer que les ideologies se sont difficilement encrées dans la mentalité congolaise.
Quoique l’on peut dire que LD Kabila était un dauphin idéologique de Lumumba dans un sens, il y a tres peu des dauphins de ce genre.
Quand l’on lit des nombreux articles sur la degradation de l’enseignement universitaire au Congo, il y a aussi cette tendance qui veut montrer que les enfants des profs sont favorisés. Ainsi dans un sens ou dans un autre les dauphins intellectuels ne sont en fait que des dauphins biologiques.
En voyant l’ascension des dauphins biologiques, l’on peut confirmer qu’il y a un problème d’immobilité sociale pour les méritants.
La méritocratie qui est ce système de promotion au pouvoir pour les plus méritants devient une illusion dans la societe congolaise. Gary Becker et Richard Posner avaient déjà démontré la corrélation entre méritocratie, mobilité sociale et mobilité intergenerationelle.
Puis que la méritocratie permet la mobilité sociale, (des nombreuses recherches le prouvent), il devient alors un peu malveillant de penser que les plus méritants ne viennent que de la famille biologique.
C’est un peu ce système de classes statiques ou de castes qui nous régulent. Pour passer d’une caste à une autre il faut une révolution. En dynamique il est souvent répété que la force dirige toute chose.
Lorsque les dauphins ne viendront que de milieux biologiques, c’est la caste qui est préservée et la méritocratie sacrifiée. Lors de la zairianisation, on a eu au des gens qu’on appelait acquéreurs. En 1974, 1920 fermes et 20 sociétés furent partagées entre 300 individus. Les familles de ces acquéreurs continuent à bénéficier des effets de ces acquisitions. Le seul mérite de ces 300 individus était de se retrouver au MPR. C’est ce qui expliquerait que les gens continuent à rallier le parti au pouvoir.
Aussi, les entreprises publiques sont gerées par les politiques et cela sans consideration d’aucune experience manageriale, d’aucun mérite en terme de gestion.
Dans les milieux académiques, il est un secret de polichinelle que les nominations des recteurs se font sur des bases politicotribales. Et parfois celui qui nomme sape les dispositions statutaires. En 2015 un ministre (professeur d’université) nommait des recteurs alors que la loi cadre dispose que le recteur doit être élu par ses pairs professeurs. Où est le mérite de gestion?
Une societe ne peut pas progresser sans méritocratie.
Il y a un groupe des congolais qui difficilement peuvent léguer des dauphins à la RD Congo. Ce sont les congolais de la diaspora. Imaginons juste ce scenario. Les congolais intellectuels se decident d’aller vivre en Occident.
La premiere génération est encore attachée au pays d’origine. Après de la deuxième generation, la réalité change évidemment. Les dauphins probables vont servir ailleurs au lieu de faire profiter le pays de leurs ancêtres. Et ceci est surtout vrai lorsque les migrants expérimentent une integration facilitée dans les nouveaux pays. Tout devient compliqué dans le sens où les dauphins au delà de la 3ème génération diasporique n’auront aucune ou que peu de connection avec la mère patrie.
En fait la diaspora doit contribuer pour la grandeur collective de la mère patrie sinon elle devient inutile.
Au lieu de rechercher la grandeur collective, les congolais se battend pour la grandeur de la caste avec le danger que la prochaine caste vienne un jour tout détruire.
Le succès depend de la succession parce qu’il ne doit être nullement question que le succès soit tres limité dans le temps. Apres tout c’est le long terme qui devrait inspirer nos analyses pour mieux cerner la vraie réalité.
En effet lorsque la qualité de l’education pour tous laisse à desirer on peut voir cet obstacle à promouvoir les plus méritants.
Les écoles publiques de la RD Congo laissent à desirer et cela prouve que le cercle des dauphins politiques, intellectuels est très réduit. Le plus grand problème c’est la destruction du potentiel meritocratique. C’est ce qui expliquerait notre bassesse bien évidemment.
Les bons modèles et les grands de la RD Congo doivent choisir leurs dauphins le plus tôt et bien les former afin qu’ils apportent mieux au changement.
Mais jusqu’ici force est de constater que les dauphins sont encore choisis à cause des affinités biologiques, triboethniques, politiques. Et ce n’est pas surprenant que nos dauphins se démarquent plus dans la bassesse que dans la grandeur!
Très bonne analyse.
RépondreSupprimerQuel mauche tableau! Il y a du travail à faire pour mon pays pour arriver au changement. Une rééducation et conscientisation de l'âme de la nation congolaise. Merci pour cette analyse profonde
RépondreSupprimerPreparer les dauphins est un impératif quand on pretend reussir dans sa mission. Ceci nous interpelle tous. Formons la prochaine generation.
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